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Loi sur le don de congé en questions-réponses

Feb 12, 2016

La semaine dernière, une proposition de loi que j’avais déposée en décembre avec l’appui du groupe MR a connu un écho médiatique inattendu. Je me propose donc de vous faire un résumé de tout ce qui a pu être vu ou entendu depuis quelques jours, tout en tentant de répondre à autant d’interrogations légitimes que possible...

 

  • Quel est le principe ?

 

Ma proposition, dont l’idée m’a été suggérée par une maman qui s’est retrouvée dans ce cas de figure, vise à permettre à des employés d’offrir de leurs propres jours de congés à un de leur collègue qui se trouve dans la situation difficile d’avoir un enfant gravement malade, victime d’un accident ou touché d’un handicap important (ce qui, selon la jurisprudence, est strictement interdit aujourd’hui). Lorsque tous les recours aux nombreux mécanismes existant ont été épuisés et/ou qu’ils ne sont pas adaptés, cette façon de procéder peut apporter le bien le plus précieux dont ces familles peuvent avoir besoin : du temps… et cela sans devoir en passer par des choix cornéliens en terme de revenus ou de droits à la pension. Car, oui, les crédits-temps et autres congés sans soldes, même lorsqu’ils sont accompagnés d’un forfait ou d’une allocation de la part de la sécurité sociale, entraînent une perte de revenu.

 

Par ailleurs, ce don serait une façon généreuse de concrétiser la normale compassion que chacun de nous peut éprouver lorsqu’un collègue est touché par une telle épreuve. C’est un moyen de permettre à la solidarité et à la générosité de s’exprimer sur le terrain de façon humaine et utile.

 

  • Combien la proposition coutera-t-elle ?


A l’Etat : rien du tout. L’opération est budgétairement neutre pour la sécurité sociale. Il s’agit juste d’ouvrir une possibilité, un espace de liberté au sein des entreprises et des administrations.

Aux entreprises et administrations : La mise en place du mécanisme demandera sans doute un peu de supplément de travail administratif. Mais celui-ci restera raisonnable, au vu du nombre de cas concernés. Si l’entreprise participe à la collecte en offrant elle-même quelques jours ou en proposant d’autres incitants, ce sera effectivement à sa charge…

Aux travailleurs : Aucun autre coût que celui du don lui-même ne sera à la charge de l’employé… si l’on considère qu’un don généreux et sincère peut être qualifié de « coût ».

 

  • Si je donne/reçois un jour de congé, mon salaire sera-t-il différent ?

 

Non, chacun conserve son salaire respectif. Lorsque l’on a donné un jour de congé, on conserve le même salaire et les mêmes avantages qu’habituellement… on travaille juste un jour de plus sans être payé plus à la fin du mois. Lorsque l’on reçoit un jour de congé, on est payé exactement comme si l’on avait travaillé normalement. Les droits à la pension ne sont pas non plus impactés. Ils s’exercent simplement comme si on avait fait usage normalement de ses jours de congés.

Les avantages liés au fait d’être sur le lieu de travail (les chèques-repas ou l’accès à la cantine, par exemple), par contre, sont transférés à celui qui preste le jour de travail. Chacun conserve ses autres avantages et compléments de salaires.

 

  • Sera-t-on obligé de donner des jours de congés ? N’y aura-t-il pas des pressions pour forcer la main des employés récalcitrant ?  


Non, personne ne peut être forcé de donner un jour de congé. Les raisons des uns ou des autres de donner ou de ne pas donner ne peuvent être questionnées.

L’anonymat requis par la proposition de loi est censé protéger tout le monde : la pudeur de ceux qui donnent et l’intégrité morale de ceux qui ne donneraient pas (souvent pour d’excellentes raisons). Certains proposent que l’on organise même l’anonymat de ceux qui recevraient des jours de congé.

 

  • Les entreprises seront-elles obligées de donner cette possibilité à leurs employés ?

Non, le mécanisme ne se mettra en place que si l’entreprise le désire et en a la possibilité. Qui plus est, la forme et les modalités pratiques de ce don pourront varier d’une entreprise/administration à l’autre et devront toujours obtenir l’assentiment de l’employeur ou faire l’objet d’une négociation dans le cadre de la concertation sociale.

 

  • Combien de jours de congés pourra-t-on donner ?

 

La question devrait plutôt être « combien de jours devra-t-on garder ? » On pourra donner autant de jours qu’on le désire, mais on devra en conserver au moins 20 ! En effet, ces jours de « break » sont nécessaires au bien-être des travailleurs et de leurs familles. Qui plus est, il faut également éviter de situations d’abus de générosité dans lesquelles certains travailleurs oublieraient leurs propres besoins.

Les jours fériés et les jours de repos hebdomadaires ne seraient pas cessibles. En effet, il est difficile de donner un jour où tout le monde a congé… sans compter qu’il ne serait pas sage de se priver, même par altruisme, de son repos hebdomadaire.

Les jours de récupération seraient en principe cessibles, mais dans la limite des impératifs de l’entreprise ou de l’administration concernée. Dans certains cas, il est nécessaire pour lui, pour la sécurité d’autrui ou le bien de la société que ces jours soient pris (urgentistes, infirmiers, policiers, pompiers, dans les usines tournant 24h/24…). Par contre, certaines administrations publiques qui rémunèrent les heures supplémentaires de leurs employés en jours de récupération se prêtent particulièrement bien aux dons de ces jours qui s’additionnent. 

 

  • Combien de jours pourra-t-on recevoir ?


Un nombre indéfini. Théoriquement, le congé « donné » pourra se poursuivre tant qu’il y aura des jours offerts disponibles et/ou tant que perdure la situation ayant justifié le don.

Pratiquement, il appartiendra aux entreprises de mettre des limites supplémentaires et des cadres qui pourront éventuellement s’adapter à l’épreuve des faits.

 

  • L’entreprise pourra-t-elle participer au don ?  


Oui ! Néanmoins, rien ne l’y oblige. Il appartiendra de voir au sein de chaque entreprise si elle désire mettre le mécanisme en place et comment elle entend le favoriser et/ou y participer.

 

  • La proposition vise-t-elle à remplacer la prise en charge par la sécurité sociale ?


En aucun cas ! Il ne s’agit que d’un mécanisme complémentaire. Il ne vient remplacer aucune mesure ou allocation déjà existante pour faire face à ce type de situations dramatiques et n’a pas vocation à le faire. Il n’entend pas non plus à empêcher une amélioration du statut des aidants proches ou exonérer l’Etat de ses obligations envers eux.

 

  • Tous les travailleurs pourront-ils potentiellement en bénéficier ?


En principe, tous les salariés du privé comme du public pourraient en bénéficier.

En pratique, les grandes structures auront un avantage sur les petites. En effet, il sera plus facile de trouver des donneurs, de procéder à la répartition des dons, de trouver des remplaçants en interne et de conserver l’anonymat dans de grandes organisations que dans des petites. Cependant, cela ne veut pas dire que cela sera impossible dans les petites entreprises. Rien n’empêche par ailleurs de se montrer imaginatifs afin de réduire les contraintes qui s’appliquent dans les plus petites entreprises.

Nous ne pouvons donc pas parler de discrimination. La loi elle-même n’en fait pas et ne fait qu’offrir une possibilité à toutes les entreprises. Elle n’exige rien.

 

  • Pourquoi seulement en faveur des enfants très gravement malades de moins de 21 ans ?


En étendant trop largement les cas dans lesquels la loi pourrait s’appliquer, on prend le risque de banaliser le concept du don de congé. Qui plus est, une trop grande fréquence de ces situations pourrait à terme provoquer l’indifférence des collègues-donneurs.

Le nombre de jours de congés disponibles n’est, par ailleurs, pas extensible. Il ne faudrait pas tomber à court et être obligé de faire des arbitrages entre différentes situations dramatiques.

 

  • La loi pourrait-elle être étendue dans le futur à d’autres cas de figure ?


Pourquoi pas ? Mais ultérieurement. Cela ne sera possible qu’en cas de succès du mécanisme, à la fois en terme de bien-être, de cohésion et de renforcement de la solidarité interpersonnelle sur le lieu de travail et à la fois en terme de jours de congés effectivement proposés. Il sera difficile d’étendre un mécanisme s’il atteint déjà ses limites avec le seul cas proposé.

 

  • Ce mécanisme fonctionne-t-il ailleurs ?


Oui, en France. Mise en œuvre à partir de mai 2014, la Loi Mathys offre la possibilité d’offrir des jours de congé aux parents d’enfants gravement malades. Après plus d’un an de fonctionnement, on remarque qu’elle a obtenu un certain succès : 43 accords employeurs-salariés ont été signés pour l’organiser au sein des entreprises.  

Les syndicats, d’abord opposés au projet, s’y sont convertis et portent souvent la négociation pour que le mécanisme soit mis en place. Le taux de signature est d’ailleurs exceptionnellement élevé (71% pour la CGT, 92% pour la CFDT et 95% pour la CFE-CGC). De conflictuel, le sujet est devenu consensuel sans que l’on remarque de tension particulière parmi les employés autour de ces jours de congés. 
 
 
Retrouvez le texte complet de la proposition de loi sur le site de la Chambre: http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/1501/54K1501001.pdf
 


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