11/11/2016 : Commémoration de l'Armistice
Chaque 11 novembre est l'occasion pour nous tous de nous souvenir et de rendre hommage à ceux qui se sont battus et qui sont morts lors des deux conflits mondiaux. C'est aussi l'occasion de remercier celles et ceux qui s'engagent, depuis, à nous protéger ici, et à l'étranger lors des opérations de maintien de la paix.
Retrouvez le discours que j'ai prononcé à cette occasion, devant le Monument aux Morts de Grez.
"Monsieur le Chef de Corps,
Mesdames et Messieurs les Echevins,
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Il y a cent ans, jour pour jour, cela faisait 838 jours que le premier obus de la première guerre mondiale s’était écrasé sur Belgrade, la capitale du Royaume de Serbie.
Cela faisait 838 jours que l’Europe, et le monde, étaient à feu et à sang…
En novembre 1916, des millions de vies civiles et militaires ont déjà été brisées, broyées, écrasées par la violence de la guerre…
dans les forêts des Ardennes,
dans les forts des alentours de Liège et de Namur,
dans les campagnes du Borinage et des Flandres,
dans les vallées de la Marne et de la Somme,
en mer du Nord et dans l’Atlantique,
dans la grande plaine germano-polonaise,
sur les versant des Alpes et des Carpates,
ainsi que dans les déserts du Moyen-Orient et même dans les savanes d’Afrique centrale.
Des millions d’autres vies sont en sursis, vivotant au milieu des tranchées, avec pour compagnons la vermine et la boue.
De son côté, l’immense majorité de la population belge vit sous une occupation toujours plus pénible au fur et à mesure que les ressources de l’Empire allemand s’épuisent, lentement mais sûrement. L’agonie va encore durer deux ans… Sept-cent-trente jours nous séparent du 11 novembre 1918.
Bien sûr, à ce moment-là, nul ne peut deviner que l’humanité a déjà traversé la moitié de la guerre qui la déchire.
La certitude d’une victoire rapide, dans tous les camps, a disparu, et avec lui l’inconscient enthousiasme guerrier qui l’accompagnait.
L’humanité est, en cette fin d’année 1916, au fond du trou… et elle continue à creuser.
La guerre est devenue le quotidien avec lequel nos grands-parents et arrière-grands-parents voient le soleil se lever chaque jour et se coucher chaque soir…
Cent ans plus tard, aujourd’hui, en 2016, notre monde est plein d’incertitude.
Cette année, le 22 mars, après Paris le 13 novembre, nous avons, à notre tour, été frappés sur notre sol… dans notre chair…
Combien d’entre nous, s’ils n’ont pas été directement touchés, connaissent quelqu’un dont un proche, une connaissance a été blessé, tué ou a courageusement porté assistance aux victimes de ces attentats ?
Ces événements dramatiques nous ont mis face à des dilemmes, face à des questions et des remises en question difficiles :
Qu’avons-nous raté, qu’avons-nous manqué, que n’avons-nous pas fait dans nos politiques de sécurité, de police, de renseignement,
mais aussi d’éducation et d’intégration ?
Que n’avons -nous pas fait collectivement et individuellement pour permettre à ces drames de se produire ?
Et comment allons-nous répondre à ces défis de façon intelligente et pertinente ?
Car d’autre part, désemparée face aux changements de notre siècle, une partie de la population se tourne vers les discours simples, voire simplistes, des démagogues qui exploitent sans vergogne la colère et la peur, comme nous l’avons vu aux Etats-Unis avec l’élection de Donald Trump ,
au Royaume-Uni avec le Brexit,
en France avec le succès du FN
ou en Allemagne avec les victoires à répétition lors d’élections locales de partis xénophobes comme l’Afd et Pegida.
Dans ce cadre, le comportement de nos ancêtres a quelque chose à nous apprendre. En ce mois de novembre 1916, personne ne savait que le conflit allait encore durer deux ans.
Non, la seule chose qu’ils connaissaient était la lutte… chaque jour.
Parfois, ont-ils sûrement été tentés par le désespoir, tels ces pauvres diables qui s’automutilaient pour échapper à l’enfer des tranchées… Cependant, collectivement, l’humanité n’a d’autre choix que de garder l’espoir.
Si cet espoir collectif s’en va, nous devenons rapidement les victimes des pires aspirations, des pires solutions,
nous devenons à la fois les victimes et les exécuteurs de l’exclusion, de la malveillance et de la violence…
nous devenons les promoteurs actifs de notre propre marche vers l’abîme, comme le fit le peuple allemand dans les années trente, menant l’humanité droit vers un second conflit mondial qui n’aura réussi qu’à dépasser le précédent en terme d’horreur et de destruction.
Sans espoir, le futur s’éteint pour devenir néant…
Il est donc important d’entretenir cette flamme, aussi petite soit-elle, quels que soient les conditions et les circonstances.
L’espoir est fait autant de petites que de grandes actions qui laissent entrevoir les jours meilleurs.
Autre guerre, autre enfer, Winston Churchill disait que lorsqu’on le traversait, il ne fallait surtout pas s’arrêter et continuer à avancer. C’est cette leçon que nous devons retenir.
Car l’espoir et ses signes sont là, aussi petits soient-ils, nous devons garder leur lumière dans nos têtes et dans nos cœurs.
Cet appel n’est pas un appel à la naïveté ou à la faiblesse !
Cette leçon d’espoir, elle est portée par nos anciens combattants,
et ils n’étaient pas naïfs et faibles !
Quand la mort ou la maladie nous enlève ces derniers à l’image,
cette année,
de Miki Terlinden - qui entretenait avec bienveillance, passion et humour tant la mémoire que l’espoir –
il faut que nous reprenions nous-même le flambeau de leur combat. Nous en sommes les dépositaires.
L’espoir et la mémoire que véhiculent ces hommes et femmes courageux / désormais disparus/ subsistent à travers nous. Ils subsistent à travers cette flamme, ici présente, et à travers ceux qui la portent.
Ces jeunes, ici, autour de moi/ mais nous aussi / tous / avec nos expériences et nos vécus différents et divers, sommes les dépositaires de la mémoire d’hier, mais aussi celle de demain.
Comme il est un devoir, aujourd’hui, de se souvenir de ceux qui se sont battus pendant les deux guerres mondiales
ainsi que de ceux qui ont protégé la sécurité commune durant les opérations de la paix menées au cours des septante années qui ont suivis,
il sera demain important de nous souvenir de ceux qui ont péris dans les déflagrations des bombes de Zaventem et de Maelbeek
ainsi que de ceux qui sont tombés sous les balles du Bataclan…
Oui, nous vivons des temps d’incertitude…
Non, nous ne pouvons dire quand et si cette incertitude et ces turbulences prendront fin…
Mais il ne tient qu’à nous, par notre capacité à apprendre du passé et en nous inspirant de l’exemple de ceux qui nous ont précédés, de surmonter les écueils,
en faisant en sorte de garder allumée en nous la flamme de l’espoir… celle de la confiance en nous-mêmes et dans l’humanité.
Il ne tient qu’à nous d’y croire, et de faire ce qui est juste. Chacun de nos pas dans cette direction est un pas vers un monde meilleur. Il ne tient qu’à nous de faire en sorte que les noms inscrits sur ce monument et sur tous les autres érigés partout dans le monde ne l’aient pas été en vain…
Je vous remercie. "